L’art abstrait voit le jour en Europe au début du XXe siècle, porté par des figures comme Kandinsky ou Mondrian. Ce mouvement se caractérise par l’absence de représentation figurative. Sur une toile abstraite, le réel disparaît. Après la Seconde Guerre mondiale, l’expressionnisme abstrait s’épanouit aux États-Unis, propulsant New York sur le devant de la scène.
La France reste une terre d’artistes. Une génération de peintres abstraits français exprime l’indicible et bouscule les formats. Entrons dans l’univers de cinq peintres abstraits français célèbres. Tous ont marqué l’histoire de l’art.
Pierre Soulages et sa lumière noire, icône de l'art abstrait français

Pierre Soulages faisait briller le noir. Son œuvre, Peinture 162 × 114 cm (1984), incarne une recherche unique.
- À partir de 1979, Soulages peint exclusivement en noir, cet « émetteur de clarté ». Il crée l’Outrenoir, une série d’œuvres où la lumière se reflète sur la matière.
- Il conçoit les vitraux de l’abbatiale de Conques, là où, enfant, il décida que seul l’art l’intéressait.
- Cette figure clé de la peinture informelle est le premier artiste vivant exposé au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.
Dans une interview au Monde en 2019, Soulages raconte sa sensibilité d'enfant : « Que dessines-tu ? », m'avait demandé ma mère, en me voyant peindre à l'encre noire. J'avais répondu : « De la neige. » Tout le monde avait bien ri, mais j'avais saisi quelque chose : le contraste. »
Georges Mathieu, peintre français de l’abstraction en live

Précurseur de l’abstraction lyrique en France et en Europe, Georges Mathieu fait entrer la peinture dans l’ère de la performance. Hommage au Connétable de Bourbon (1959) est réalisée en public, dans un élan gestuel spectaculaire.
- En 1954, il crée La Bataille de Bouvines lors d’une performance filmée, réinventant l’histoire avec des gestes puissants qui cassent les codes. Cette œuvre incarne son univers.
- En 1966, il met son art au service d'Air France et réalise 14 affiches publicitaires.
- Georges Mathieu dessine la pièce de 10 francs, frappée de 1974 à 1987, emblème des Trente Glorieuses.
L'artiste explore la puissance expressive du geste, comme les peintres abstraits américains. Qualifié de « calligraphe occidental » par Malraux, il connaît une redécouverte fulgurante. En 2021, Tuz Gölü (1978) est adjugée 1,95 million d’euros chez Sotheby’s à Hong Kong.
Hans Hartung, un peintre abstrait qui a traversé le siècle

Précurseur de l’abstraction, naturalisé français en 1947, Hartung cède à ses envolées lyriques. T1971-R30 (1971) montre cette alchimie entre concept et émotion.
- Dans l'Allemagne de son enfance, il dessinait les éclairs lors des soirées d’orage.
- Engagé dans la Légion étrangère aux côtés de la France durant la Seconde Guerre mondiale, il perd une jambe en 1944. Sa démarche artistique porte les traces du traumatisme de l’Allemagne et de sa lutte contre le fascisme.
- Hartung utilise des outils atypiques : pistolet de carrossier, sulfateuse agricole, aérosols, raclettes... La libération du geste devient sa signature.
Pour lui, l'art est nécessaire : « L’art me paraît un moyen de vaincre la mort. » La villa du peintre abstrait français à Antibes est devenue la fondation Hartung-Bergman.
Serge Poliakoff, le peintre abstrait français qui sculpte la couleur

Né à Moscou, Serge Poliakoff s’installe à Paris en 1923. Composition abstraite (1965) révèle sa maîtrise des formes imbriquées et des couleurs vibrantes.
- Sa rencontre avec Robert et Sonia Delaunay est décisive. Le couple recevait les jeunes artistes : ce fut le départ vers l'abstraction pour Poliakoff.
- À partir des années 1950, Serge Poliakoff et ses amis artistes se retrouvent au café littéraire Les Deux Magots, dans le quartier Saint-Germain-des-Prés.
- Membre de la Nouvelle École de Paris, il retrouve dans les icônes orthodoxes une force symbolique et chromatique.
Naturalisé français en 1962, il précise : « Ce n’est pas la couleur que je cherche, c’est la vibration. » Sa quête se retrouve chez des plasticiens contemporains pour qui la couleur porte une charge émotionnelle ou spirituelle.
Olivier Debré, le peintre abstrait français des sensations

Le peintre, graveur et sculpteur Olivier Debré développe une abstraction sensible, inspirée des paysages. Longue traversée gris-bleu de Loire à la tache verte (1976) illustre sa démarche.
- Artiste clé de l'abstraction lyrique, ses œuvres jouent sur la densité des couleurs.
- Dès 1965, il adopte des formats panoramiques et peint au sol avec un pinceau-balai. Ses « signes-paysages » vibrent par leur puissance colorée.
- Olivier Debré conçoit aussi des rideaux de scène, dont celui de l'Opéra de Shanghai en 1998.
Pour lui, l’essentiel est l’intensité du sentiment : « Les peintres qui se croient de purs lyriques décrivent le paysage de leur émotion. »
Les peintres abstraits français explorent la matière, la lumière et l’émotion intérieure avec une sensibilité singulière. Cette exigence se retrouve chez Jean Degottex, dont l’œuvre s’inspire de la calligraphie extrême-orientale et de la pensée zen. Les noirs profonds d’André Marfaing rappellent ceux de Soulages. Parmi les peintres abstraits français contemporains, Jean-Jacques Marie insuffle à ses toiles une gestuelle proche de l’Action painting, à la manière de Jackson Pollock.
Analyser une toile d’art abstrait, c’est partir à la découverte d’un langage de sensations, de rythmes et d’intuitions. Quel peintre abstrait français vous touche le plus ? Dites-le-nous en commentaire et partagez cet article s’il vous a plu !