Jackson Pollock a explosé les règles de l'art

"Avec la toile sur le sol je me sens plus proche d'un tableau, j'en fais davantage partie. De cette façon je peux marcher tout autour, travailler à partir des quatre côtés, et être dans le tableau comme les Indiens de l'Ouest qui travaillaient sur le sable." Ces mots prononcés par Jackson Pollock sont ceux qui le rapprochent le plus de son œuvre.

Il n'est pas seulement le premier peintre américain de l'expressionnisme abstrait. Jackson Pollock est un monument. 700 œuvres, c’est le nombre de créations artistiques laissées par celui qui a rendu le geste de l’artiste spontané. Des expositions lui sont consacrées dans le monde entier comme au Musée Picasso à Paris. Un astéroïde porte son nom. Au cinéma, un biopic lui est dédié.

Le peintre rompt avec les traditions picturales académiques quand il donne naissance à ses tableaux abstraits. Dans cet article, nous vous présentons les clés qui ouvrent la porte sur l’univers de Jackson Pollock.

L'oeuvre de Jackson Pollock est sous influence

Les Indiens de l’Ouest Américain influencent de leurs empreintes

Paul Jackson Pollock voit le jour en 1912 dans le Wyoming au sein d'une famille irlando-écossaise. Enfant il découvre la culture amérindienne des Navajos, notamment à travers leur pratique des danses rituelles et leurs peintures sur sable. Cette culture a une grande influence sur son travail de création. Pollock nourrit aussi un grand intérêt pour l'art primitif.

Il quitte le lycée sans terminer ses études secondaires. Comme ses frères, il est attiré par l’art. À New York, il suit les cours de peinture murale et de modèle vivant avec Thomas Hart Benton. Pollock est fasciné par la matière et le format. La peinture murale et les fresques d'Orozco l'attirent. La sculpture devient une passion.

Au fil des années, son style et sa technique évoluent. Il revient rapidement à ce qui le fascine. Le chamanisme, nimbé de spiritualité, l'inspire et exerce une influence importante. Jusque dans les années 1940, on voit dans ses oeuvres la répétition des motifs amérindiens et inuits. Lorsqu’il peint sur une toile au sol, Pollock se rapproche des Indiens de l'Ouest américain.

Les artistes du Vieux Continent influencent Jackson Pollock

Jackson Pollock s'intéresse aux artistes de l'avant-garde européenne. L’abstraction et l'expressionnisme y est au centre de la scène artistique. Le Vieux Continent est le terreau de la première œuvre abstraite notamment avec l'Aquarelle sans titre de "Kandinsky". On voit aussi dans son style l'influence du mouvement artistique du surréalisme.

L'ouvrage Primitive art and Picasso exerce une influence sur son travail d'artiste et dans ses peintures. Les œuvres du maître cubiste, contemporain de Pollock, et l'exposition Guernica ont sur lui un impact considérable. L'image du minotaure de Picasso le fascine et lui fait penser aux figures primitives des peuples amérindiens.

La future femme de Pollock, Lee Krasner, est proche de l'héritage du mouvement cubiste lorsqu'ils se rencontrent en 1941. Artiste reconnue dans le monde de l'art abstrait, elle exerce une influence considérable sur le travail et le succès de Pollock. Elle soutient beaucoup son mari et l'apaise énormément.

Peggy Guggenheim propulse Jackson Pollock vers le succès

La collectionneuse d'art moderne, Peggy Guggenheim estime que le peintre est habité par un immense talent. L'illustre mécène lui offre une exposition dans sa galerie Art of this Century de New York en 1943 et lui passe d'immenses commandes. Peggy Guggenheim lui commande aussi une oeuvre pour le mur de sa maison de Manhattan. Ce tableau va s'intituller Mural. 

A l'époque, très enthousiasmé par sa réalisation, Pollock décide de se tourner vers des formats de plus en plus imposants. Le peintre réalise une nouvelle exposition en 1945. Une marche de plus vers le succès. Alors qu'il ne quittera jamais le sol américain, on lui offre une exposition au Museo Correr de Venise.

L'oeuvre que Peggy Guggenheim lui a commandée pour le mur de sa maison est aujourd'hui estimée à 140 millions de dollars.

Jackson Pollock dépose sa trace dans l'histoire de la peinture

Sa carrière est hachurée par différentes cures de désintoxication et plusieurs thérapies. Dévoué à son travail d'artiste, Jackson Pollock transforme le geste artistique et libère totalement le mouvement. Aujourd'hui, ses oeuvres comptent parmi les plus prisées au monde.

Créateur de la technique du dripping

Dès 1947, Jackson Pollock abandonne toute figuration. Il s’inspire de l’artiste précurseur du dripping, Janet Sobel. Le principe de cette technique est de faire goutter ou couler la peinture depuis le pot ou depuis le tube, sur une toile posée au sol. La technique du dripping est la signature de Pollock dès 1947.

Le peintre peut aussi plonger le pinceau ou un bâton de bois directement dans la peinture. Ensuite, il le projette sur le tableau. Le dripping exige une parfaite connaissance des propriétés de la peinture : la fluidité, l’épaisseur et la viscosité. Pollock joue avec les effets.

Pollock est une des figures emblématiques de l’action painting, avec la technique du dripping, dans laquelle cette pratique s’inscrit. L’action painting (la peinture d'action) met en avant le geste de l'artiste et la libre expression. L'artiste abandonne sa pratique en 1955.

Il invente le All Over, expression à l'image du procédé visant à supprimer le point focal traditionnel de l'œuvre. Il n'y a pas de délimitation, ni début, ni centre, ni fin. En 1958, dans la revue Art News, l’artiste et théoricien du happening Allan Kaprow écrit que l’œuvre de Pollock est :  « Une forme d’art qui a tendance à se perdre hors des limites ».

Son style est basé sur l'improvisation et le hasard. Pollock libère le geste artistique. Son approche encourage l'expression libre et spontanée du peintre. Le regard sur l’art change. Le processus de création est au centre du travail de l'artiste. 

Dans son travail de création, Pollock expérimente beaucoup. Il utilise même des seringues pour peindre ses tableaux.

Les millions coulent pour les oeuvres de Jackson Pollock 

Quand il était en vie, le prix de ses toiles n’a pas dépassé les 10 000 dollars. Les peintures de Jackson Pollock sont aujourd'hui une valeur sûre sur le marché de l'art. Ses œuvres font partie des tableaux abstraits les plus prisés des collectionneurs. Ses toiles comptent parmi les œuvres les plus chères au monde. En 1944, le MoMa de New York dépense 650 dollars pour l’acquisition de la toile The She Wolf (1943) !

La valeur de ses toiles atteignent plusieurs dizaines de millions d'euros. Chez Sotheby's en 2021, sa toile Number 17 (peinte en 1951) est adjugée à plus de 46 millions.

Exposée au MoMa de New York durant des années, la toile Number 5 (1948) a été cédée en 2006 pour 165 millions de dollars, selon Boursorama. C'est le tableau le plus cher dans le domaine de l'art contemporain jamais vendu. Son prix dépasse cette année là celui d'un chef d'œuvre du peintre Gustave Klimt, le portrait d'Adele Bloch-Bauer, emblématique du mouvement artistique Jugendstil, version allemande de l'Art nouveau.

En 2015, le milliardaire américain Kenneth C. Griffin a acquis le tableau Number 17-A pour 200 millions de dollars.

Il reste seulement quelques œuvres sur le marché. Le sous-directeur des peintures chez Sotheby's en Australie, David Cook, annonce que le prix des tableaux de Jackson Pollock ne va pas cesser de monter. La peinture Blue Poles, connue sous le nom de Number 11, est estimée à au moins 180 millions de dollars australiens.

Jackson Pollock face au monde de la critique

Les critiques d'art ont longtemps jugé sa peinture sans narration explicite comme "facile". Avec son oeuvre avant-gardiste, Jackson Pollock a été confronté à de nombreuses critiques. 

Pour le peintre, ses œuvres ont chacune une vie autonome : « Un critique a écrit que mes tableaux n'avaient ni commencement ni fin. Il ne l'entendait pas comme un compliment, or c'en était un. C'était même un beau compliment. Seulement, il ne le savait pas. »

En 1949, le magazine Life lui consacre 4 pages. Le titre « Est-il le plus grand peintre vivant des Etats-Unis ? » contribue à son ascension vers le succès. Mais Jackson Pollock ne recherchait pas l'attention. Fragile psychologiquement, il se retire de la scène artistique. Il abandonne son dripping et se concentre sur la technique du pouring (versement) de peinture noire. Mais ces dernières œuvres ont un très mauvais accueil.

Le célèbre critique d'art moderne contemporain, Clement Greenberg, qui a beaucoup défendu l'expressionnisme abstrait, admire alors Jackson Pollock. Sa critique le consacre.

Jackson Pollock utilise son deuxième prénom, Jackson, pour son nom d'artiste dès 1930. Les journalistes et les critiques du magazine britannique The Times ont l'idée de lui donner le surnom de "Jack the Dripper". On comprend l’allusion à la technique du dripping et le jeu de mots avec le surnom du tueur en série, "Jack the Ripper" qui n'est autre que Jack l'éventreur.

En août 1956, son épouse Lee Krasner l'a quitté et voyage en Europe. Jackson Pollock prend la route sous l'emprise de l'alcool. Il roule à toute allure dans sa Oldsmobile décapotable le long des routes de Springs à Long Island. Sa vie s'achève à 44 ans dans un accident de voiture. Jackson Pollock, qui a peint ses déchirures, est un révolutionnaire de l’art. "Pollock a brisé toutes les distinctions entre art et vie". Ces mots du critique Clement Greenberg sont peut-être la plus vibrante analyse de l'artiste iconoclaste. Jackson Pollock est une explosion qui a secoué le monde de l'art contemporain.

Avec son instinct et la pratique du dripping, il a transformé l’acte de création en une forme d’expression corporelle doublée d’une performance. Il reste le premier des peintres abstraits américains connus. La figure de proue de l'action painting a réussi à déplacer le centre de l’art contemporain et du monde artistique de l’Europe vers New York. L'influence de Jackson Pollock sur des générations d’artistes contemporains est inestimable.

Vous pouvez nous laisser un commentaire pour nous dire quelle est l'œuvre de Jackson Pollock que vous préférez. Si vous avez apprécié cet article, n'hésitez pas aussi à le partager.